Rappel du premier message :Article: (moho / 27/02/06 - 14:28 / Auteur : Yves Simon / Liberation 25/02/2006)
Je me garderai bien d’écrire sans filet et d’une manière péremptoire sur l’Islam. Je laisse, pour commencer, ce soin à un journaliste libanais, arabe, il se nomme Saqr Abou Fakhr. Dans son article, il nous explique que l’Occident ne doit rien au monde arabe: pas même la poudre, ni la boussole ni l’imprimerie qui sont, dit-il, venus directement de Chine. Peu tendre pour sa civilisation, la démonstration est radicale: depuis la défaite de Bagdad en 1258 le monde arabe n’a rien produit, dit-il, pas un objet, pas un concept. On nous ressort toujours Averroès (passeur d’Aristote), Ibn Khaldun et Avicenne, mais ils furent rejetés et refusés dans leurs propres pays. Les fatwas et les oulémas, les théologiens et récitants du Coran (déjà) ont eu raison de leurs pensées inventives et les ont marginalisés. L’Occident, en revanche, s’est servi de l’aristotélitisme d’Averroès pour en déduire que c’est en s’appuyant sur la raison qu’il pouvait s’engager sur la voie de la renaissance et du progrès.
L’Europe diffère des Arabes, conclut-il, en ce qu’elle a réussi à exclure l’Eglise de toute mainmise sur les idées et à accorder la prééminence de la raison. Processus inverse en Islam au cours duquel le salafisme (retour aux valeurs des ancêtres) l’a emporté très tôt sur les idées critiques.
La critique, tout est là! Où sont les Giordano Bruno, les Voltaire, les Diderot, les Condorcet du monde arabe? Avec un ‘gap théologique’ de sept siècles par rapport au monde chrétien, les pays musulmans n’ont, à ce jour, connu ni Renaissance, ni siècle des Lumières, ni Révolution. Pas de critique, donc pas de liberté, donc pas de démocratie. CQFD. La plupart des pays musulmans vivent sous des dictatures ou des régimes durs, et la seule façon autorisée pour les peuples de s’exprimer, c’est de partir en guerre contre ce qui est extérieur au pays dans lequel ils vivent. Révoltes autorisées et encouragées par des chefs ou des rois qui s’exonèrent ainsi de toute critique à leur encontre. En conséquence, l’Occident, ses valeurs, ses symboles, sont des morceaux de choix pour des foules survoltées auxquelles on fait croire qu’une guerre aurait été déclarée. Par qui’ Des dessinateurs jusque là inconnus, qui ne parlent que pour eux-mêmes et ne sont en rien les porte-paroles d’un Etat.
Alors, on va comme un seul homme brûler les ambassades de pays où la liberté d’expression a permis cette critique salutaire, fouler au pied des drapeaux, en confondant allégrement des individus et leur territoire, des dessinateurs et leur nation. En revanche, on se garde bien de se révolter à l’encontre des objets inventés par l’Occident, téléphones cellulaires, ordinateurs, antennes paraboliques, télévision, avions, voitures, vaccins, tous arrivés en plein XIVe siècle du calendrier islamique!
Même le grand poète palestinien Mahmoud Darwich nous parle de racisme. Pas plus qu’il n’y a de race chrétienne, il n’y a de race musulmane. Les caricatures et sarcasmes nombreux sur le Christ ou Jean-Paul II, n’ont interpellé que des croyants, pas les peuples, pas les nations. Comme s’il vivait en permanence sur des charbons ardents, le monde musulman, lui, semble se sentir offensé pour une parole de travers, un dessin de travers, un regard de travers. Doit-on conclure à une paranoïa
planétaire envers tout ce qui se révèle non-musulman: les chrétiens, juifs, bouddhistes, shintoistes, confucéens, animistes... ? Tous infidèles!
Cet immense chantier de travail que le monde musulman a à faire sur lui-même - si ses intellectuels, ses élites le désirent et le décident - prendra non pas de longues années, mais sans doute un siècle, le temps d’inventer dans sa mosaïque de langues le mot laïcité, que des lois viennent séparer le séculier du religieux, l’Etat de l’Eglise, que chaque individualité s’extirpe de sa nébuleuse religieuse et prenne sa destinée terrestre en main, pour soi, sans en laisser le soin à des dogmes archaïques où le désert faisait loi. Le temps encore d’apprendre à considérer la moitié de l’humanité - les femmes - avec la dignité qui leur est due."
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