DEFINITION: Je suis vivant en tant qu’ensemble de sensations, de perceptions, d’émotions, de sentiments, de pensées. J’appellerai , par convention, intérieur l’ensemble de ces manifestations .
POSTULAT: Je nommerai “l’extérieur ” ce qui provoque ces manifestations.
J’ étais allongé sur le dos et contemplait le ciel bleu. Mais c’est du continu pensais-je, comme le vert des prés ou une note de musique. Or je sais que ce continu n’est qu’une apparence, la note ut est en fait produite par une vibration de l’air, le bleu par une vibration électromagnétique.
ANALYSE: Tout état de l’intérieur est du à une variation de l’extérieur. Il existe des niveaux dans les états de l’intérieur. Par exemple la hauteur d’un son; plus la fréquence de vibration est élevée, plus le son paraît “haut”. Par ailleurs, l’intensité du son est proportionnelle au logarithmique de son amplitude ( loi de Flechner)
De même qu’un état continu de l’intérieur est du à une variation dans l’extérieur, un état de conscience peut être corrélé à une variation dans l’intérieur. C’est en quelque sorte la sensation du mouvement des sensations. Par exemple, pour faire prendre conscience d’un danger, on utilise les sirènes dont le son varie aussi bien en hauteur qu’en intensité. On remarquera qu’un état de conscience peut être suscité aussi bien par l’apparitions de nouvelles sensations (exemple ci-dessus) que par leur disparition : si le tic-tac de ma pendule cesse, je me réveille, c’est-à-dire je prends conscience.
Il existe des niveaux de conscience; plus le changement dans le sensitif est important et rapide, plus le niveau de conscience est élevé, par exemple, un coup de canon mobilise plus ma vigilance que le miaulement d’un chat. Un état de conscience c, est donc fonction croissante de la dérivée du sensitif s, par rapport au temps t:
c =f(∂s/∂t )
On constate que lorsqu’une variation se répète régulièrement, l’état de conscience qu’elle suscite tend à disparaître; par exemple, je ne peux m’endormir ( état de conscience constant) dans mon nouvel appartement parce que des trains passent à proximité mais après une période d’adaptation, je ne fais plus attention, je m’endors. Notez bien cette remarque, un état de conscience peut-être aussi bien créé par l’apparition d’une sensation nouvelle que par la disparition d’une sensation connue. Ce sont là des prises de conscience que j’appellerai “passives”.
L’activité aussi conduit à la prise de conscience, puisque l’activité provoque un changement dans l’environnement, que ce soit en se déplaçant ou en focalisant son attention.
Enfin, il est clair que des sensations sont liées aux mouvements de notre physiologie, sensations dont nous ne sommes habituellement pas conscients par accoutumance, mais à des variations de ces sensations peuvent être associés des états de conscience, par exemple, on peut prendre conscience des battements du coeur lorsqu’il accélère. Il est intéressant de noter que moyennant un peu d’entraînement, on peut prendre conscience des battements cardiaques même lorsque leur fréquence est constante, mais ce n’est possible que parce qu’il s’agit de battements ; je renforce ainsi cette idée qu’un état de conscience ne peut provenir que d’un changement de ce qui alimente l’intérieur.
Du fait de l’accoutumance, il faut donc assortir la formule ci-dessus d’un coefficient a(t), que j’appellerai facteur d’accoutumance, fonction décroissante du temps d’où la formule:
c=a(t)f(∂s/∂t) où a(0)=1 et a(∞ )= 0
De cette formule, on peut déduire que pour maintenir la conscience à un niveau constant, on peut agir sur les trois termes de l’équation ci-dessus:
Sur ∂s: En augmentant l’intensité des stimuli ou en diminuant l’intensité des stimuli. Ne perdons pas de vue, en effet, que la disparition d’une sensation est aussi une variation ∂s du sensitif.
sur ∂t, en augmentant le nombre des stimuli et en diminuant leur durée.
sur a(t), en variant les stimuli ou en exerçant ses sens.
Ces différentes façons d’agir sur les termes de la formule conduisent à quatre choix de vie:
La société de consommation- Augmenter le nombre et l’intensité des stimuli conduit à notre société de consommation et de gaspillage. On mange plus, des mets plus variés, dans les discothèques on augmente le niveau sonore et le rythme assorti de flashes éblouissants jusqu’aux limites du supportable et au delà même puisqu’on sait maintenant que les habitués des boites de nuit deviennent sourd. Les tenues sont de plus en plus tapageuses, mèches de cheveux vertes, rouges vif, la télé nous assomme de clips étourdissants et de films de violence, d’horreur, les véhicules de sport ou de transport vont toujours plus vite, les objets et les œuvres d’”art” ont des couleurs vives, criardes ( Cf. Niki de Saint Phalle ) etc...Mais ce choix mène à une impasse à cause de l’accoutumance, par exemple vous éprouvez une sensation de vitesse quand vous passez de 90 à 130 et après quelques instants, cette sensation de vitesse s’estompe. Quand vous revenez à 90 vous avez l’impression de rouler lentement. D’où la nécessité pour maintenir l’impression de vitesse de rouler toujours plus vite et au bout il y a....... la mort. Autre exemple: vous entrez dans une pièce odorante. L’odeur peut vous séduire ou vous incommoder, mais au bout d’un certain temps vous ne sentez plus rien, c’est l’accoutumance. Pour maintenir la sensation odorante, il faut augmenter les doses de gaz odorant dans la pièce. Cette remarque est valable pour tout, la boisson, le tabac, les drogues,la danse, la musique. Quand le haschisch ne suffit plus on passe à des drogues plus fortes,. A la télé on nous abrutit de clips, maelström de bruit et d’images. Ce mode de vie conduit à la mort, non seulement car on atteint des limites biologiques (embonpoint, maladies cardio-vasculaires, overdoses, cirrhoses, accidents de la route) mais aussi parce que pour produire toutes ces excitations à une population toujours plus nombreuse, on a besoin d’énergie et qu’on épuise les ressources naturelles de la planète, sans oublier qu’on la polue. Le pire c’est qu’il conduit à la mort sans même qu’on soit passé par le bonheur, car chez ceux qui le pratiquent, le sentiment de vide subsiste, (d’où une fringale d’achats) et les pousse parfois au suicide ( Cf; “Le voyage d’Hector” de ??? ).
Comment échapper à ce destin funeste?
Par l'affinement des sens : J’ai dit ci-dessus que lorsque l’on consomme, on peut choisir, pour maintenir un niveau de conscience constant à augmenter les excitations, en nombre et en intensité. Or il est un autre moyen de maintenir le niveau de conscience , voire de l’élever, c’est d’éduquer nos sens ce qui, à stimulus égal, permet de mieux ressentir. C’est ainsi qu’un œenologue, ayant éduqué son sens du goût, éprouve beaucoup plus de plaisir à déguster un grand vin qu’un néophyte. Idem pour un mélomane capable de déceler le 1/16ème de ton à l’écoute de la musique, id° pour un esthète à la vue d’une œuvre d’art, id° pour un yogi dans la pratique de l’amour tantriste, id° pour un sportif assistant à un match dans sa spécialité, etc...
Une méthode supplémentaire pour garder l’éveil est de surseoir à la satisfaction des ses besoins élémentaires, attendre d’avoir vraiment faim pour manger, vraiment soif pour boire, vraiment désirer pour faire l’amour, vraiment sommeil pour dormir, etc....
Mais il existe des limites physiologiques et le vieillissement d’ où finalement l’ennui. On raconte l’histoire d’un homme qui ayant bu un filtre d’immortalité finit par tout connaître du monde, d’où ennui, déprime et souhait de mort. Comment échapper à l’ennui, i.e. maintenir sa conscience à niveau constant ?Ce qui est toujours nouveau et permet ainsi de renouveler en permanence les sensations et donc de se maintenir à un niveau de conscience constant ou même de plus en plus élevé.
Par la création-
Vivre c’est chanter, danser, aimer, lutter et surtout, surtout créer, créer par son travail, créer son corps par le sport la danse ou la musique, peindre, écrire, faire du théâtre. Il est bien évident que par définition, créer amène toujours du nouveau, créer dans les arts et inventer dans les sciences et la technique augmente ∂s.
∂t dépend de la vitesse d’éxécution; plus un être sera habile et entraîné, plus il créera dans le même intervalle de temps.
Quant au coefficient a(t), l’accoutumance, il est toujours possible de changer de champs d’activité s’il devient trop faible, mais il est rare, en création que ce coefficient faiblisse beaucoup.
Par la quête spirituelle.
En diminuant le nombre et l’intensité des stimuli, c’est moins évident mais j’en ai parlé dans une remarque ci-dessus, à propos de la pendule. C’est ainsi que j’expliquerais le fait que des moines bouddhistes se retirent pendant des années, et la conscience vaste et limpide dont parle Matthieu Richard, viendrait de la suppression progressive des mouvements de l’intérieur. En extrapolant , on peut penser qu’à la limite, après un long chemin, à l’instant de la mort , toutes les sensations disparaissant en un temps infiniment bref, ∂s/∂t sera infiniment grand et mon niveau de conscience infini.